Alerte sur le barrage Morice
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barrage morice

Les hommes du contingent s'aguerrissent ; ils apprennent à vivre en nomades, ils apprennent à mouler leur manoeuvre au terrain. Agiles et entraînés, ils en connaissent les moindres replis, les pentes les plus dures comme les sommets les plus hauts. Économes de la vie de leurs hommes, les chefs, à tous les niveaux, sergents et sous-lieutenants du contingent, capitaines, ont appris à manoeuvrer leurs appuis : mortiers, artillerie, aviation.
Dans le même temps, l'adversaire s'entraîne lui aussi. Il lance sur le barrage de petites équipes de quelques hommes d'abord, puis des détachements plus importants, des sections entières, enfin des détachements de l'ordre d'une katiba. Il adapte sa tactique à l'obstacle ; au début, ce sont les cisaillements avec des pinces isolantes, mais il s'aperçoit  vite que l'alerte est donnée dès que le courant vient à être coupé. Aussi découvre-t-il le système des ponts de fils conducteurs isolés mettant hors tension des portions de la haie électrique sans donner l'alerte. Plus tard, il s'entraînera à passer en rampant sous les fils, après avoir creusé le sol à la profondeur voulue pour ne pas risquer le contact.
Des deux côtés, les jeux se font, les techniques s'affinent, de nombreuses tentatives de franchissement ont lieu tant dans les secteurs du Ier R.E.P. que dans celui du 9e R.C.P. mais toujours l'alerte est donnée par le barrage. Les franchissements ont lieu généralement vers minuit. C'est alors que se déclenche le jeu de quitte ou double, qui doit être terminé avant la fin du jour suivant.

Pour le F.L.N., l'enjeu est de foncer au plus loin pour gagner avant le lever du jour des points d'abri. Les chances de succès de la riposte reposent sur le degré de certitude et la valeur des renseignements sur lesquels seront donnés les premiers ordres. Un seul élément est absolument certain, c'est l'heure à laquelle le réseau a été cisaillé, c'est l'heure de l'alerte. Mais il faut ensuite acquérir au plus tôt la certitude qu'un franchissement a bien eu lieu et que l'alerte n'est ni une feinte ni un piège. Puis doit être reconnu le sens dans lequel a eu lieu le franchissement : s'agissait-il de détachements de recrues passant d'Algérie en Tunisie ou d'unités armées et équipées passant de Tunisie en Algérie? L'importance du franchissement est également essentielle.
Enfin, il faut avoir des indices sur la direction de fuite afin d'orienter la manoeuvre d'interception. Certains de ces renseignements ne pourront être recueillis que grâce à l'intervention, durant la nuit, de patrouilles à pied fournies par les G.M.S. (groupes mobiles de sécurité) musulmans, accompagnées de chiens pisteurs. Tous les indices sont relevés, toutes les traces sont suivies. Dès le lever du jour, les avions légers d'observation, les piper, prennent l'air et fouillent le terrain de leur vue entraînée pour relever tous les indices, à défaut de certitudes. Le régiment de paras mis en alerte dès la première heure n'est engagé dans le courant de la nuit qu'après que les premiers indices ont été recueillis. Alors commence une longue étape nocturne en camions, sur des pistes cahoteuses pour atteindre les positions clés du terrain d'où il sera possible, grâce aux hélicoptères, d'orienter la manoeuvre dans une direction ou dans une autre. L'hélicoptère, tenu en réserve jusqu'alors, est utilisé à ce moment seulement, avec parcimonie en raison de son faible potentiel d'heures de vol. Puis c'est la manoeuvre finale d'encerclement et le combat, qui va jusqu'au corps à corps et ne se termine bien souvent qu'avec la tombée de la nuit.

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